Homélie Toussaint 2024

Lorsque nous pensons aux saints, lorsque nous réfléchissons à la fête de la Toussaint, notre réflexe spontané consiste à évoquer des personnalités hors série, extraordinaires.

Il est vrai que, pour être déclaré saint, « canonisé » selon le langage de l'Eglise, il faut avoir écrit des livres remarquables sur la foi au Christ, ou bien avoir suivi un parcours évangélique hors du

commun, ou bien avoir réalisé une vie marquée par quelques coups d'éclat ou bien avoir marqué durablement l'Eglise et la société, ou bien être à l'origine de quelques miracles retentissants.

LES    SAINTS RECONNUS

Ainsi notre église de Saint Aigulin contient plusieurs statues de saints reconnus, « officiels » en quelque sorte, sans compter la Vierge Marie, la première des saints :

• Saint Fort qui fut archevêque de Bordeaux au 5ème siècle, qui guérissait les enfants (d'où ses deux statues du XIXème siècle et des années 1950 où il est représenté avec un enfant)
• Saint Antoine de Padoue, franciscain et grand prédicateur, mort en 1231
• Saint Louis, le seul roi français à être déclaré saint (il a vécu au XIIIème siècle)
• Sainte Catherine Labouré qui, en 1830, à Paris, a reçu la vision de la Médaille Miraculeuse
• Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, à la fin du XIXème siècle, qui, dans une Eglise marquée par la rigidité janséniste, a développé la mystique de la tendresse et de la miséricorde de Dieu.

Ces saints, comme tous ceux et celles qui sont « placés sur les autels » selon l'expression courante, sont fêtés chaque jour de l'année ou presque.Leur nombre correspond aux jours du calendrier, c'est-à-dire environ 350. Autant dire qu'ils ne sont pas très nombreux !

Mais nous aurions vraiment tort de penser qu'ils seraient les seuls saints. En réalité les saints sont beaucoup plus nombreux, même s'ils ne sont pas connus, officiels, même si la plupart sont anonymes. L'auteur de l'Apocalypse de Saint Jean (première lecture difficile à interpréter) l'affirme avec force : « J'ai vu et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues ». Il s'agit là de tous les saints !

L'AMOUR DES SAINTS ORDINAIRES

Qu'est-ce qu'un saint ? C'est un homme , une femme, un enfant, un jeune, un adulte qui, durant sa vie terrestre, a essayé de suivre le Christ et de vivre selon les Béatitudes qui viennent d'être lues. Et, après sa mort biologique, il partage définitivement le bonheur, la joie, l'amour de Dieu. Il a trouvé la plénitude de sa personnalité, selon le désir de Dieu et est définitivement heureux. Et il nous attend. Car c'est à l'humanité entière que Dieu veut se donner et partager son Amour. J'apprécie beaucoup la définition que Mère Teresa donne de l'amour : « aimer, c'est vouloir contribuer au bonheur de l'autre, en essayant de trouver le sien ». Chacun est capable d'aimer en vérité, même si son amour est encore traversé par l'égoïsme, la jalousie, l'orgueil et autres scories. Chaque être humain est appelé à être un véritable saint, sans devenir un saint officiel.

Le pape François a eu une formule heureuse en disant que nous pouvons, avec l'aide de l'Esprit Saint, reconnaître « la sainteté du voisin ». Il veut dire par là, avec son humour, que les membres de notre famille, nos amis, nos voisins, nos collègues de travail ou de loisirs, les membres du club de pétanque, sont capables d'aimer en vérité et sont en marche vers la sainteté. C'est une vision positive de l'être humain, pleine d'espérance et de confiance. Chacun de nous est concerné, chacun de nous peut devenir un saint ordinaire. Regardons-nous et regardons les autres avec ce regard positif qui est celui de Dieu. Chacun peut nous rappeler une béatitude, en totalité ou en partie. Et quand nous serons rassemblés dans le Monde Nouveau, ensemble nous serons l'illustration concrète de toutes les Béatitudes. Il est important d'apprécier chez les autres et en nous les marques, les signes de l'amour.

QUELQUES ATTITUDES CONCRETES

Pour avancer sur le chemin de la sainteté quelques attitudes me paraissent particulièrement intéressantes. Le pape en mentionne plusieurs dans son texte « Fratelli tutti » « Tous frères » :

-dialoguer au lieu d'ignorer les gens qui ne pensent pas comme nous. Les réalités de notre vie familiale, sociale, professionnelle, politique sont complexes. Les analyses et les points de vue sont donc divers. On peut en débattre sans se battre.. Encore faut-il savoir écouter. Un dialogue authentique peut permettre la solution de certains problèmes ou du moins peut l'envisager. Un tel dialogue s'apprend en famille à mesure que les enfants grandissent.

-la bienveillance ; étymologiquement, c'est l'attitude qui discerne le bien chez l'autre, qui réconforte, qui encourage. Au lieu de dénigrer et d'humilier. Reconnaissons que spontanément nous avons tendance à voir le mal plutôt que le bien chez les autres, à voir ce qui ne fonctionne pas plutôt que ce qui fonctionne.

-oser le pardon : les conflits sont inévitables. C'est en les regardant en face, en la assumant , sans  faire l'autruche, que l'on peut les dépasser et progresser vers l'amour, l'amitié, la fraternité. Le pardon exerce là un rôle important. Le pardon qui n'est pas à confondre avec l'oubli. Le pardon qui recrée l'avenir là où celui-ci ne paraissait plus possible.

Ces trois attitudes me paraissent essentielles à l'heure actuelle. Car nous constatons que le progrès technique et la croissance économique, même s'ils y contribuent, ne suffisent pas à assurer le bonheur réel des humains. C'est la pratique de l'amour, l'amour des Beatitudes.

Père Bernard